Le télescope spatial James-Webb a permis de caractériser plusieurs exoplanètes déjà connues depuis sa mise en service en 2022. Grâce à une équipe internationale dirigée par l'observatoire de Paris, dont fait partie Olivier Flasseur et Maud Langlois du CRAL, il vient de réaliser l’image directe d’une exoplanète inconnue jusqu’alors. Cette découverte, parue le 25 juin 2025 dans la revue Nature, est une première pour le télescope. Elle a été permise par un coronographe de fabrication française installé sur l’instrument MIRI du JWST.
La recherche d’exoplanètes est un objectif majeur de l’astronomie contemporaine. Celles-ci permettent de comprendre comment se forment les systèmes planétaires. Pour la première fois depuis son lancement en 2021, le télescope spatial James-Webb (JWST) a permis la découverte d’une nouvelle exoplanète. Elle se trouve dans un disque de débris et de poussières entourant une étoile jeune. Cette planète est la plus légère jamais observée par imagerie directe. C’est une étape importante vers l’imagerie de planètes de moins en moins massives, plus semblables à la Terre.
Les exoplanètes sont des cibles privilégiées en observation astronomique car elles permettent de mieux comprendre comment se forment les systèmes planétaires, y compris le nôtre. Si plusieurs milliers ont été détectées de manière indirecte (voir complément ci-dessous), obtenir des images d’exoplanètes représente un véritable défi. Elles sont en effet peu lumineuses et sont, vues depuis la Terre, situées très près de leur étoile. Leur signal est noyé dans celui de l’étoile, sans s’en détacher suffisamment pour être visible. Pour surmonter ce problème, le CNRS a développé, en collaboration avec le CEA, un dispositif pour l’instrument MIRI du JWST : un coronographe. Il permet de reproduire l’effet observé lors d’une éclipse ; masquer l’étoile permet d’observer plus facilement les objets qui l’entourent sans qu’ils soient dissimulés par sa lumière. C’est cette technique qui a permis à une équipe de recherche menée par une chercheuse du CNRS de découvrir une nouvelle exoplanète, la première à l’être par le JWST. Elle se trouve dans un disque de débris rocheux et de poussières.
TWA 7 (MIRI + VLT Image) - TWA 7 (MIRI + VLT Image) - NASA / JPL-Caltech
Vue d'artiste d'un système exoplanétaire avec un disque de débris comme TWA 7. (Crédit : NASA / JPL-Caltech)
Des anneaux dans des disques de débris
Les scientifiques ont privilégié les cibles d’observation les plus prometteuses : des systèmes âgés de quelques millions d’années, vus par le pôle de leur étoile depuis la Terre, une configuration qui permet de voir les disques par « le dessus ». Les planètes tout juste formées dans ces disques sont encore chaudes, ce qui les rend plus lumineuses que leurs consœurs plus âgées. Les planètes peu massives sont en principe plus facilement détectables dans le domaine de l’infrarouge thermique moyen, sur lequel le JWST a ouvert une fenêtre d’observation unique. Parmi tous les disques vus de face, deux ont particulièrement retenu l’attention des chercheurs, de précédentes observations ayant révélé des structures annulaires concentriques en leur sein.
Les scientifiques soupçonnaient jusqu’alors ces structures d’être le fruit d’interactions gravitationnelles entre des planètes non identifiées et des planétésimaux. Appelé TWA 7, l’un des deux systèmes présente trois anneaux distincts, dont un particulièrement fin, entouré de deux régions vides presque sans matière. L’image obtenue par le JWST a révélé une source au cœur même de cet anneau fin. Après avoir éliminé les hypothèses d’un potentiel biais d’observation, les scientifiques sont arrivés à la conclusion qu’il s’agit très probablement d’une exoplanète. Des simulations détaillées ont effectivement confirmé la formation d’un anneau mince et d’un « trou » à la position exacte de la planète, en accord parfait avec les observations effectuées par le JWST.
Le système TWA 7 vu par l'instrument SPHERE du VLT - Le système TWA 7 vu par l'instrument SPHERE du VLT - A.-M. Lagrange et al. / ESO / JWST
Image du disque autour de TWA 7 réalisée à l’aide de l’instrument SPHERE du Very Large Telescope de l'ESO. L’image capturée par l’instrument MIRI du JWST y est superposée. La zone de vide entourant TWA 7 b est clairement visible (CC #1) au sein de l’anneau R2. (Crédits : A.-M. Lagrange et al. / ESO / JWST)
Quelles perspectives pour les futures découvertes d’exoplanètes ? TWA 7 (MIRI + VLT Image) - TWA 7 (MIRI + VLT Image) - NASA, ESA, CSA, Anne-Marie Lagrange (CNRS, UGA), Mahdi Zamani (ESA/Webb)
Baptisée TWA 7 b, cette nouvelle exoplanète est dix fois plus légère que celles imagées jusqu’à présent ! Sa masse est comparable à celle de Saturne, soit environ 30 % de celle de Jupiter, la plus massive des planètes du Système solaire. Ce résultat marque un nouveau jalon dans la recherche et l’imagerie directe d’exoplanètes de plus en plus légères.Le JWST a le potentiel d’aller encore plus loin à l’avenir. Les scientifiques espèrent ainsi pouvoir imager des planètes pouvant avoir seulement 10 % de la masse de Jupiter. Cette découverte ouvre la voie vers l’imagerie d’exoplanètes de type terrestre. Elles seront l’objectif des futures générations de télescopes spatiaux et terrestres, dont certains utiliseront également des coronographes plus perfectionnés. Les systèmes candidats les plus prometteurs sont d’ores et déjà en cours d'identification pour ces futures observations.
Ci-dessus, à droite : image combinant les données prises au sol par l'instrument SPHERE du Très Grand Télescope de l'Observatoire européen austral (disque de débris ici coloré en bleu) et les données de l'instrument MIRI du JWST (TWA 7 b, ici colorée en orange). L'étoile a été cachée et se trouve au centre du cercle en pointillés.
LAGRANGE ; A.-M. ; WILKINSON, C. ; MÂLIN, M. ; BOCCALETTI, A. ; PERROT, C. ; MATRA, L. ; COMBES, F. ; BEUST, H. ; ROUAN, D. ; CHOMEZ, A. ; MILLI, J. ; CHARNAY, B. ; MAZEVET, S. ; FLASSEUR, O. ; OLOFSSON, J. ; BAYO, A. ; KRAL, Q. ; CARTER, A. ; CROTTS, K. A. ; DELORME, P. ; CHAUVIN, G. ; THEBAULT, P. ; RUBINI, P. ; KIEFER, F. ; RADCLIFFE, A. ; MAZOYER, J. ; BODRITO, T. ; STASEVIC, S. ; LANGLOIS, M. Evidence for a sub-Jovian planet in the young TWA 7 disk. Nature, 25 juin 2025, https://doi.org/10.1038/s41586-025-09150-4.
Pour aller plus loin
Il y a quelques temps, à l'occasion des 60 ans de l'ESO, nous avons interrogé Maud Langlois, co-autrice de la publication, sur le fonctionnement de la recherche astrophysique ainsi que sur l'instrument SPHERE qui a été utilisé pour TWA 7 b. Cet échange, diffusé dans une de nos chroniques Dis, pourquoi ? sur RCF Lyon, est à retrouver ici :
Malgré des progrès considérables lors des dernières années, la détection d'exoplanètes par imagerie directe reste encore très minoritaire. Les autres méthodes de détection (transit, vitesses radiales, etc.) ont été détaillées en longueur par Isabelle Vauglin, astrophysicienne au CRAL, lors d'une de nos conférences en direct que vous pouvez retrouvez ci-dessous :