La biodiversité dans le parc de l'observatoire

Soucieux de son impact écologique et des problématiques liées au changement climatique, l'Observatoire des sciences de l'Univers de Lyon a réalisé en 2021 un bilan et une cartographie de la biodiversité de son parc historique à Saint-Genis-Laval. Ce travail a été réalisé par Thibault Froger, étudiant en master 2 « Bioévaluation des écosystèmes et expertise de la biodiversité » à l'UCBL.
 
Thibault Froger
Thibault Froger

Thibault Froger réalisant un inventaire de la flore herbacée dans un quadrat d'un mètre carré
Photo : SDS / OSUL

Le parc de l'observatoire

Le parc historique de l'observatoire de Lyon se trouve sur les hauteurs de la commune de Saint-Genis-Laval, au sud de Lyon. Bien qu'il ne soit pas naturel, il représente un espace de végétalisation privilégié pour de nombreuses espèces végétales et animales au cœur de l'aire urbaine de la métropole du Grand Lyon. En effet, bien qu'ils ne soient pas des habitats optimaux, certains parcs et jardins urbains ou péri-urbains ont une hétérogénéité suffisante pour permettre d'accueillir une grande diversité d'espèces, en particulier pour l'avifaune.

L'aménagement du parc a débuté au tout début des années 1880 avec le terrassement de la colline de Beauregard, le site choisi pour accueillir le nouvel observatoire de la ville. Outre son aspect esthétique, le boisement du parc devient rapidement une nécessité car la colline ainsi mise à nu est très vulnérable aux intempéries et aux coulées de boues. Trente pins noirs d'Autriche, entre autres, sont ainsi plantés pour assurer la stabilité du sol. Ces arbres ont de plus un rôle pratique essentiel pour le bon déroulement des observations astronomiques en bloquant les quelques lumières de ville qui pointent déjà à l'horizon...

Au fil des années, le parc prend forme. Après les arbres « pratiques », on y plante de nombreuses essences choisies uniquement pour leur aspect esthétique (buis, ifs, lauriers et tilleuls) et la carte des petits chemins de terre — qu'empruntent encore tous les jours les chercheuses et les chercheurs — se dessine. Au début du XXème siècle, le parc est alors constitué de pelouses et d'arbes isolés ou en petits groupes dans un agencement typique des jardins de la Troisième République. À partir de la direction de Jean Mascart (1912-1933), de nombreux arbres fruiters sont plantés (pêchers, abricotiers, cerisiers, pommiers, vignes, etc.) et les astronomes s'occupaient également d'un potager leur permettant d'avoir une certaine autonomie sur ce site encore isolé.

Si durant toute la première moitié du XXème siècle le personnel de l'observatoire a dû veiller à ce que les arbres ne gênent pas les observations, le boisement du parc a commencé à fortement s'épaissir dans les années 50 et 60. La pollution lumineuse de la métropole empêchant chaque année un peu plus de faire des mesures correctes depuis Saint-Genis-Laval, les observations ont été petit à petit délocalisées dans d'autres observatoires et les arbres du parc ont pu croître librement.

Aujourd'hui, la pollution lyonnaise empêche totalement de réaliser des observations astronomiques à des fins de recherche depuis le site historique de l'observatoire. Le plateau de l'observatoire est encore occupé par une belle pelouse mais les pentes de la colline présentent un boisement relativement épais qu'il est devenu impératif de surveiller. Aujourd'hui, avec la multiplication des évélements climatiques extrêmes, les vieux arbres représentent un risque non négligeable pour les infrastructures. Les violents orages de l'été 2019 ont par exemple provoqué la chute de quatre arbres sur la voie publique. Afin de proposer des pistes de gestion et d'orienter les actions à mener, la réalisation d'inventaires de la biodiversité est indispensable. 
 
Parc de l'observatoire en 1906
Parc de l'observatoire en 1906 - Parc de l'observatoire en 1906
Vue du plateau du parc de l'observatoire en 1906

La flore du parc en 2021

Cèdre de l'Atlas centenaire
Cèdre de l'Atlas centenaire - Cèdre de l'Atlas centenaire
Le travail mené par Thibault Froger permet de visualiser l'état de la végétation dans une cartographie qui servira de base à l'entretien des arbres pour les prochaines années. Pour chaque arbre du parc, de nombreuses données (espèce, état, hauteur, circonférence, etc.) ont été recueillies puis traitées par SIG et testées avec des modèles statistiques.

L'inventaire recense 775 arbres appartenant à 34 genres différents et au moins 47 espèces. Ce sont en majorité des érables (Acer), des frênes (Fraxinus) et des chênes (Quercus) qui, à eux trois, représentent près de la moitié des individus. Comme dit plus haut, lors de la création du parc, beaucoup d'arbres ont été choisis uniquement pour leur apparence. Bien que plusieurs ensembles se soient succédés (les boisements de bouleaux blancs originels n'existent par exemple plus), plusieurs de ces arbres d'ornement exotiques vivent encore à l'observatoire. On y trouve ainsi des Catalpa bignonioides et un Gleditsia triacanthos (respectivement « arbre aux haricots » et « févier d'Amérique », originaires du sud-est des États-Unis) ou un Photinia serratifolia (« photinier de Chine », originaire du sud-est de l'Asie et en danger à l'échelle mondiale). Quelques habitants végétaux du parc sont particulièrement remarquables : on peut ainsi y voir, bien caché au centre du bosquet, un cèdre de l'Atlas centenaire (Cedrus atlantica, une espèce en danger). Ces dernières espèces ne sont bien sûr pas naturellement présentes dans notre région et ne doivent leur présence ici qu'aux inspirations des jardiniers successifs...

Cartographie des arbres du parc
Cartographie des arbres du parc - Cartographie des arbres du parc
L'état de ces grands arbres est relativement bon (54 % sont évalués en « bon état ») mais 6 % des individus doivent faire l'objet de mesures urgentes dans les plus brefs délais. Pour préserver le bon état du parc, des entreprises privées interviennent régulièrement pour élaguer ou abattre les arbres en question.

La flore herbacée a également été évaluée grâce à une méthode d'échantillonnage stratifiée avec un total de 50 quadrats d'un mètre carré. La méthode consiste à prendre au hasard des surfaces d'un mètre carré et d'y identifier toutes les espèces présentes et de noter leurs abondances relatives. 

L'échantillonnage a permis de recenser 117 espèces et de mettre en évidence deux milieux différents avec leurs propres espèces : un milieu herbacé sur le plateau à l'ouest du parc et un milieu arborescent sur les pentes à l'est (seules 9 espèces se retrouvent dans les deux milieux). Parmi les espèces remarquables, on peut noter la présence de trois espèces déterminantes de Zone naturelle d'intérêt écologique, faunistique et floristique (ZNIEFF) : l'orobanche du lierre (Orobanche hederae) commune dans le parc, le gaillet glauque (Galium glaucum) classé « quasi menacée » dans la région et l'orchis bouc (Himantoglossum hircinum).

(Ci-dessus : Cèdre de l'Atlas centenaire / photo : Thibault Froger)
(Ci-contre : Répartition des huit genres de grands arbres avec au moins 40 individus, échelle 1/1200 / Thibault Froger)


La faune du parc en 2021

Huppe fasciée
Huppe fasciée - Huppe fasciée
L'étude de la faune a été réalisée de manière opportuniste pendant 38 jours et s'est concentrée sur le recensement des oiseaux, plus facile à étudier en observant les arbres. 

Le parc de l'observatoire abrite une grande diversité spécifique d'oiseaux avec 42 espèces identifiées. Si les pigeons bisets (Columba livia) et ramiers (Colomba palumbus) sont les plus nombreux (ils ont d'ailleurs investi la tour de l'ancien château d'eau), on peut aussi observer par exemple des sitelles torchepot (Sitta europea) descendre les troncs la tête en bas et le bec en l'air, entendre le chant des guêpiers d'Europe (Merops apiaster) ou surprendre les huppes fasciées (Upupa epops) chasser des insectes. Avec un peu de chance, car il y en a moins, on peut également y voir des éperviers d'Europe (Accipiter nisus), des serins cini (Serinus serinus) ou des gros-becs casse noyaux (Coccothraustes coccothraustes).

Outre les oiseaux, les astronomes peuvent voir presque tous les jours par leurs fenêtres les écureils roux du parc mener leurs vies de branche en branche et observer les traces de nombreux autres petits mamifères. Les chercheurs les plus matinaux peuvent également avoir la chance de voir des chevreuils ruminer tranquillement sur les pelouses dans le calme du petit matin.

(Ci-dessus : Une huppe fasciée (Upupa epops) en Hongrie / photo : Andy Morffew, CC-BY)

Photos diaporama : Thibault Froger

Et après...

Des inventaires et des études complémentaires devront être réalisées dans le futur pour compléter ce premier travail. Un suivi régulier est aussi nécessaire pour surveiller les évenutelles espèces invasives et les chenilles processionnaires du pin. De plus, le changement climatique menace les peuplements arborescents du parc : en 2020, on a observé localement à l'observatoire une température supérieure de 3,1°C par rapport à la période 1951-1980 et la situation va s'empirer dans les prochaines années.