Des stars au laboratoire... ou comment produire des poussières d'étoiles
le 4 novembre 2024
Bernard Bourdon et Marwane Mokhtari du LGL-TPE ont participé à une étude qui a permis de simuler de manière expérimentale les processus de condensation à haute température opérant dans les enveloppes circumstellaires d'étoiles riches en carbone. Ils ont été responsables des travaux de modélisation.
Dispositif expérimental et régime thermique dans la chambre de condensation.
Gauche : Torche à plasma à arc à trois électrodes de 240 kW (PERSEE, Mines ParisTech, Sophia Antipolis, France) dans laquelle 600 g d'une poudre de 20 μm de chondrite ordinaire NWA 869 ont été vaporisés et condensés pendant une heure.
Droite : Régime thermique 3D simulé à l'intérieur de la chambre de condensation à l'aide du logiciel de dynamique des fluides computationnelle ANSYS Fluent
Une torche à plasma de gros volume a été utilisée par des chercheurs de Mines Paris-PSL, de l’université de Côte-d’Azur, de l’observatoire de la Côte-d’Azur (OCA), de l’ENS de Lyon et du CNRS pour simuler expérimentalement les processus de condensation à haute température opérant dans les enveloppes circumstellaires d’étoiles riches en carbone. En s'appuyant sur les phases condensées et sur leurs propriétés optiques, ils ont pu démontrer la faisabilité de prédire la minéralogie de la poussière formée dans les environnements des étoiles de type AGB. Cette approche ouvre de nouvelles perspectives pour quantifier la formation et la composition de la poussière et dans divers environnements astrophysiques. Ces travaux sont décrits dans un article paru dans la revue Nature Astronomy, le 23 octobre 2024.
Si la poussière cosmique joue un rôle crucial dans l'évolution galactique, du milieu interstellaire aux étoiles, sa formation est encore mal comprise. Il est en effet difficile de recréer les conditions astrophysiques stellaires en laboratoire. Notamment produire un gaz multi-élémentaire de composition contrôlée et le condenser dans des conditions d'équilibre ou de déséquilibre à haute température (2 000 à 3 000 K). Bien que des modèles théoriques existent, les données expérimentales sur la formation de grains de poussière complexes à partir de gaz multi-élémentaires dans des conditions extrêmes sont rares.
Pour simuler les atmosphères stellaires, les chercheurs ont eu recours à une torche à plasma AC de grand volume (voir ci-dessus). Un mélange gazeux de composition chondritique, réalisé à partir de 600 g de chondrites pulvérisé dans le mélange Ar-H2 plasmagène, a été utilisé pour ces expériences de condensation. La vapeur formée dans le plasma s'est ensuite condensée selon le gradient de température au sein d’une chambre de condensation de près d’un mètre de hauteur. Les condensats ont ensuite été échantillonnés le long du gradient thermique et analysés pour leur chimie et leur minéralogie.
Les données expérimentales supportent un scénario de condensation cinétiquement contrôlé par l'écoulement du gaz, permettant de reproduire fidèlement la formation de carbures, siliciures, nitrures, sulfures, oxydes et silicates correspondant à la séquence des phases minérales obtenues par condensation dans des conditions de haute température avec des rapports C/O élevé. Ces résultats confirment pour la première fois les prédictions thermodynamiques pour des milieux circumstellaires riches en carbone et soulignent l'importance des effets cinétiques dans la formation de la poussière. Nos simulations thermodynamiques permettent également d'évaluer l'influence de paramètres physico-chimiques, tels que la pression, sur la composition minéralogique des condensats, offrant ainsi un cadre théorique robuste pour l'interprétation des observations astrophysiques.
Ce travail est le résultat d’une collaboration fructueuse entre les laboratoires niçois: PERSEE de Mines Paris-PSL spécialisé dans le stockage et la conversion d'énergie, CRHEA (CNRS/Université Côte d’Azur) spécialisé dans les matériaux pour des dispositifs photoniques, optoélectroniques, microélectroniques, GEOAZUR (Université Côte d’Azur/OCA/CNRS, IRD) spécialisé en sciences de la Terre, LAGRANGE (Université Côte d’Azur/OCA/CNRS) spécialisé en astrophysique et le laboratoire Lyonnais LGL-TPE (ENS de Lyon/CNRS/ Université Lyon 1/UJM) spécialisé en Sciences de la Terre. Cette étude expérimentale a utilisé la torche à plasma du laboratoire PERSEE. Pour la petite histoire, c’est une remarque anodine d’un collègue de PERSEE comparant l’éclat de la torche à plasma allumée à la lumière des étoiles qui a lancé ce projet de recherche.