Deux « clous d’or » dans la Drôme, témoins de la limite entre deux étages géologiques

Cela n’a pas toujours été le cas, le concept de PSM en complète un autre plus ancien, celui du « stratotype d’unité » ou « stratotype historique ». Ce concept a été développé du milieu du 19ème siècle jusqu’au milieu du 20ème siècle. Ici l’étage était défini par un intervalle plus ou moins épais de roches, bien exposé au niveau d’une localité-type.

Les deux clous d’or sont localisés dans le Parc Naturel des Baronnies provençale. Ils ont été scellés respectivement sur les coupes géologiques du Serre de l’Âne, située sur la commune de La Charce, et du col du Pré-Guittard située sur la commune d’Arnayon. Ils indiquent respectivement la base de l’étage Hauterivien (datée approximativement à -132,6 millions d’années) et celle de l’Albien (datée approximativement à -113 millions d’années). Ils font partie des 12 étages de la période du Crétacé, qui s’étend de -145 à -66 millions d’années.

Pour définir la base d’un étage, les géologues choisissent un marqueur caractéristique parmi tous ceux étudiés. Ils sont de nature biologiques (fossiles), physiques (par exemple les inversions du champ magnétique terrestre) ou chimiques (par exemple les variations des isotopes du carbone). Pour l’Hauterivien et l’Albien, c’est un marqueur biostratigraphique qui a été choisi, plus précisément l’apparition d’un genre ou d’une espèce fossile. Cela correspond à l’inscription « FO » gravée sur la tête du clou d’or, « FO » pour « First Occurrence » qui signifie « première apparition ». La base de l’Hauterivien est définie par l’apparition de l’ammonite nommée Acanthodiscus (céphalopode). La base de l’Albien est définie par l’apparition du foraminifère Microhedbergella renilaevis (micro-organisme unicellulaire). Les deux clous d’or sont donc scellés à la base de chacune des strates (ou couches) où ont été trouvés ces deux fossiles.
 

Photo 2 - Le clou d’or marquant la base de l’Hauterivien sur la coupe géologique du Serre de l’Âne sur la commune de La Charce (Drôme) devenant ainsi officiellement le stratotype de limite (PSM ou GSSP) de cet étage. Cette photo symbolise la collaboration des scientifiques et les différentes instances internationales impliquées, avec de gauche à droite au premier plan : Jörg Mutterlose (président du Groupe de travail Hauterivien), Maria-Rose Petrizzo (présidente de la Sous-Commission Internationale de Stratigraphie du Crétacé) et David Harper (président de la Commission Internationale de Stratigraphie) ; en arrière-plan, Stéphane Reboulet coordonnateur du « proposal » Hauterivien.
Photo M. Chateauvieux.

Photo 3 - Le clou d’or marquant la base de l’Albien sur la coupe géologique du Col de Pré-Guittard sur la commune d’Arnayon (Drôme) devenant ainsi officiellement le stratotype de limite (PSM ou GSSP) de cet étage.
Cette photo symbolise l’implication des représentants locaux comme le vice-président de la Drôme (Eric Phelippeau, juste au-dessus du clou d’or) et le maire de La Charce (Pascal Cirer-Methel, écharpe tricolore).
Photo M. Chateauvieux.
 

Photo 4 - Stratotype de limite de l’Hauterivien, PSM ou GSSP de La Charce (Drôme). Succession lithologique composée d’une alternance de bancs calcaires (strates jaunes) et d’interbancs de marnes (strates grises) qui montre le passage entre les étages Valanginien et Hauterivien.
Zone aménagée de l’Espace Naturel Sensible du Serre de l’Âne avec le muret du Chemin des temps géologiques bordant la falaise et le Jardin des fossiles.
Photo S. Reboulet.

Photo 5 - Le site du Col de Pré-Guittard, aménagé pour une valorisation grand public, a été inauguré le samedi 29 Juin 2024 lors de la pause du clou d’or.
Photo M. Chateauvieux.

La ratification d’un PSM ou GSSP est un processus assez long. Une fois que le site a été découvert, il faut rassembler un grand nombre de données sédimentologiques, paléontologiques, géophysiques et géochimiques. Leurs analyses permettent de caractériser la coupe géologique. Un groupe de chercheurs internationaux, couvrant ces différents domaines scientifiques, rédigent un document (appelé “proposal” en anglais) pour proposer une coupe géologique comme candidate à la définition d’un étage. Cette équipe soumet le document au Groupe de travail de l’Hauterivien, puis à la Sous-Commission Internationale de Stratigraphie du Crétacé et enfin à la Commission Internationale de Stratigraphie. Lorsque ces 3 instances internationales ont donné successivement un vote favorable, le “proposal” est confié à l’Union Internationale des Sciences Géologiques, qui va l’examiner en vue de la ratification du PSM. Pour être complète, elle nécessite la publication du “proposal” à Episodes, la revue de l’IUGS, puis la pause du clou d’or. Tout ce processus peut parfois prendre plusieurs décennies.