Des astronomes réalisent l’image en mille couleurs la plus précise jamais obtenue d’une galaxie
le 18 juin 2025
Une équipe d'astronomes — dont fait partie Éric Emsellem du CRAL en détachement à l'ESO — a créé un chef-d'œuvre galactique : une image ultra-détaillée qui révèle des caractéristiques inédites de la galaxie du Sculpteur. À l'aide de l'instrument MUSE, conçu à l'observatoire de Lyon et qui équipe maintenant le VLT de l'ESO, ils ont observé cette galaxie proche dans des milliers de couleurs simultanément. En capturant de grandes quantités de données à chaque endroit, ils ont créé un instantané de la vie des étoiles à l'échelle de l'ensemble de la galaxie du Sculpteur.
Cette image détaillée en mille couleurs de la galaxie du Sculpteur a été réalisée avec l'instrument MUSE. Des régions de lumière rose sont réparties sur l'ensemble de cet instantané galactique. Elles proviennent de l'hydrogène ionisé dans les régions de formation d'étoiles. Ces zones ont été superposées à une carte des étoiles déjà formées dans le Sculpteur pour créer ce mélange de roses et de bleus.
Crédit : ESO / E. Congiu et al.
Les éléments constitutifs d'une galaxie — étoiles, gaz et poussières — émettent de la lumière de différentes couleurs. Par conséquent, plus il y a de nuances de couleurs dans une image de galaxie, plus nous pouvons en apprendre sur son fonctionnement interne. Alors que les images conventionnelles ne contiennent qu'une poignée de couleurs, cette nouvelle carte du Sculpteur en comprend des milliers. Les astronomes savent ainsi tout ce qu'ils doivent savoir sur les étoiles, le gaz et la poussière qu'elle contient, comme leur âge, leur composition et leur mouvement.
Pour créer cette carte de la galaxie du Sculpteur, située à 11 millions d'années-lumière et également connue sous le nom de NGC 253, les chercheurs l'ont observée pendant plus de 50 heures à l'aide de l'instrument MUSE (Multi Unit Spectroscopic Explorer) du Very Large Telescope (VLT) de l'Observatoire européen austral (ESO). L'équipe a dû assembler plus de 100 expositions pour couvrir une zone de la galaxie d'une largeur d'environ 65 000 années-lumière.
Voici la galaxie du Sculpteur sous un nouveau jour. Cette composition en fausses couleurs montre des longueurs d'onde spécifiques de la lumière libérée par l'hydrogène, l'azote, le soufre et l'oxygène. Ces éléments existent sous forme de gaz dans toute la galaxie, mais les mécanismes à l'origine du rayonnement de ce gaz peuvent varier d'un endroit à l'autre de la galaxie. La lumière rose représente le gaz excité par le rayonnement des étoiles naissantes, tandis que le cône de lumière plus blanche au centre est causé par un flux de gaz provenant du trou noir au cœur de la galaxie. Crédit : ESO / E. Congiu et al.
Selon Kathryn Kreckel, de l'université de Heidelberg en Allemagne, coauteur de l'étude, cela fait de cette carte un outil puissant : « Nous pouvons faire un zoom avant pour étudier les régions spécifiques où les étoiles se forment à une échelle proche de celle des étoiles individuelles, mais nous pouvons également faire un zoom arrière pour étudier la galaxie dans son ensemble. »
Dans sa première analyse des données, l'équipe a découvert environ 500 nébuleuses planétaires, des régions de gaz et de la poussière rejetée par des étoiles mourantes semblables au Soleil, dans la galaxie du Sculpteur. Fabian Scheuermann, doctorant à l'université de Heidelberg et coauteur de l'étude, replace ce chiffre dans son contexte : « Au-delà de notre voisinage galactique, nous avons généralement affaire à moins de 100 détections par galaxie ».
En raison de leurs propriétés, les nébuleuses planétaires peuvent être utilisées comme marqueurs de distance par rapport aux galaxies qui les abritent. « La découverte des nébuleuses planétaires nous permet de vérifier la distance qui nous sépare de la galaxie, une information essentielle dont dépendent les autres études de la galaxie », explique Adam Leroy, professeur à l'université d'État de l'Ohio (États-Unis) et coauteur de l'étude.
Les futurs projets utilisant la carte exploreront la manière dont le gaz s'écoule, modifie sa composition et forme des étoiles dans toute la galaxie. « La façon dont de si petits processus peuvent avoir un impact aussi important sur une galaxie dont la taille totale est des milliers de fois plus grande reste un mystère », déclare Enrico Congiu.
Retrouvez ici ce communiqué de presse complet sur le site Internet de l'ESO avec les contacts scientifiques et les images téléchargeables en très haute définition.
Référence article
CONGIU, E. ; SCHEUERMANN, F. ; KRECKEL, K. ; LEROY, A. ; EMSELLEM, E. ; BELFIORE, F. ; HARTKE, J. ; ANAND, G. ; EGOROV, O. V. ; GROVES, B. ; KRAVTSOV, T. ; THILKER, D. ; TOVO, C. ; BIGIEL, F. ; BLANC, G. A. ; BOLATTO, A. D. ; CRONIN, S. A. ; DALE, D. A. ; McCLAIN, R. ; MENDEZ-DELGADO, J. E. ; OAKES, E. K. ; KLESSEN, R. S. ; SCHINNERER, E. ; WILLIAMS, T. G.. The MUSE view of the Sculptor galaxy: survey overview and the planetary nebulae luminosity function. Astronomy & Astrophysics, 2025, 21p.Pour aller plus loin
L'Observatoire européen austral met à disposition sur son site Internet un outil pour visualiser en ligne des cubes de données MUSE. Retrouvez celui de NGC 253 en cliquant ici.L'ESO a également réalisé plusieurs capsules vidéo pour présenter ces nouveaux résultats :
Pour en apprendre plus sur MUSE, instrument ultra-performant dont la création a été pilotée par le CRAL, vous pouvez retrouver ici un album photo de son montage au Chili et ci-dessous un documentaire du CNRS Images à son sujet :
Publié le 19 juin 2025