Communiqué / Alerte presse


Découverte des plus vieux eucaryotes planctoniques macroscopiques

le 2 mai 2023

Une équipe internationale, dont font partie Janne Blichert-Toft et Francis Albarède du LGL-TPE, fait reculer le curseur de l’émergence des organismes eucaryotes de plus de 300 millions d’années grâce à des fossiles découverts dans le fameux gisement gabonais de Moulendé. Ces résultats sont publiés dans le numéro d’avril 2023 de la revue Earth Planetary Sciences Letter.

Les cellules eucaryotes sont des organismes composés d’une ou plusieurs cellules qui se caractérisent par la présence d’un noyau et d’organites délimités par des membranes cellulaires. Leur origine est un défi majeur en biologie évolutive, suscitant un débat tenace au sein de la communauté scientifique depuis des décennies. Une équipe internationale, coordonnée par Abderrazak El Albani de l’Institut de chimie des milieux et matériaux de Poitiers, a mis en évidence les plus vieux fossiles de protistes eucaryotes, qui vivaient dans l’eau de mer (plancton) il y a 2,1 milliards d’années. Ces fossiles ont été découverts dans le fameux gisement gabonais de Moulendé, qui avait déjà livré les plus vieux organismes multicellulaires « Gabonionta », ce qui permet d’apporter un éclairage nouveau sur le début de l’émergence des eucaryotes. Cette découverte fait reculer le curseur de l’émergence des organismes eucaryotes de plus de 300 millions d’années. Ces résultats sont publiés dans le numéro d’avril 2023 de la revue Earth Planetary Sciences Letter.
 
Découverte des plus vieux eucaryotes planctoniques macroscopiques
Découverte des plus vieux eucaryotes planctoniques macroscopiques - Découverte des plus vieux eucaryotes planctoniques macroscopiques

Représentation artistique de la morphologie et de l'environnement de vie des spécimens protistes étudiés faisant partie des Gabonionta.
Crédit : A. El Albani

 
Il y a quelques années, l’équipe d’Abderrazak El Albani, de l’Institut de chimie des milieux et matériaux de Poitiers (IC2MP), a découvert au Gabon les plus vieux fossiles d’organismes pluricellulaires : « Gabonionta ». Grâce à ce gisement situé dans le bassin de Franceville, la date d’apparition d’une vie pluricellulaire sur Terre avait alors été reculée d’environ 1,5 milliard d’années, passant de - 600 millions à - 2,1 milliards d’années. Les chercheurs avaient également montré que cette formidable biodiversité, concomitante d’un pic de concentration en dioxygène dans l’atmosphère, s’était développée dans un milieu marin calme et peu profond.

C’est au sein de la même formation géologique que l’équipe de l’IC2MP a découvert l’existence de fossiles de protistes macroscopiques dont la taille peut atteindre 4,5 centimètres. Leur milieu de vie semble avoir été dans l’eau et non sur le fond marin. Dans cet écosystème marin primitif, certains organismes eucaryotes étaient donc déjà biologiquement suffisamment sophistiqués pour pouvoir vivre de façon planctonique. Ce résultat a été obtenu grâce à l’usage du zinc, considéré comme un élément indispensable pour le métabolisme biologique. Les données ont révélé que ces fossiles contiennent environ deux fois plus de zinc que le sédiment qui les contient. De plus, à l’intérieur de ces fossiles, les isotopes du zinc montrent un enrichissement en isotope léger par rapport à ce même sédiment. Le comportement du zinc est d’un grand intérêt car il s’agit d’un micronutriment bio-essentiel, composant de plusieurs métalloenzymes qui remplissent des fonctions biologiques clés dans les cellules eucaryotes. Ainsi, la demande cellulaire en zinc dépend fortement de la taille de la cellule, de l'organisation, la complexité, la fonctionnalité et le métabolisme. À cet égard, l’augmentation de la taille de ces organismes a pu être corrélée à l'augmentation de la disponibilité du zinc. Ces données ont permis de mettre en lumière le rôle fondamental du zinc comme marqueur biogéochimique de la biogénicité.

Parallèlement, un couplage avec des analyses de micro-fluorescence X au synchrotron SOLEIL a permis de retracer la répartition spéciale à l’échelle nanoscopique du zinc à l’intérieur de ces spécimens ainsi que sa co-localisation avec la matière organique. La reconstitution morphologique en 3D par micro-tomographie aux rayons X, technique d’imagerie non-destructive, a permis d’avoir un éclairage sur la morphostructure. Enfin, les résultats ont montré qu’il s’agit bien de structures lenticulaires ayant une compartimentalisation interne. Ces données d’imagerie apportent une confirmation supplémentaire de l’origine biologique de ces fossiles.

À quoi ressemblaient concrètement ces êtres vivants ? Ils étaient peut-être similaires aux protistes de grand taille capables de flotter dans la colonne d’eau. Quand ces organismes agrègent des fines particules argileuses, ils chutent sous l’effet de leur densité d’une manière aléatoire sur les sédiments formant le fond marin. Jusqu’à présent, les plus anciens protistes eucaryotes planctoniques reconnus étaient datés de 570 millions d’années, ce qui semblait être conforté par les estimations utilisant l’horloge moléculaire. Cette nouvelle découverte met en évidence une innovation biologique qui soulève de nouvelles questions sur l’histoire de l’évolution à savoir : des formes de vie planctonique perfectionnées existaient-elle déjà il y a 2,1 milliards d’années ?


Retrouvez ce communiqué de presse complet en version téléchargeable sur le site de du CNRS en cliquant ici.
 

Référence article

A. El Albani, K.O. Konhauser, A. Somogyi, J. Ngwalghoubou Ikouanga, A. Lamboux, J. Blichert-Toft, E. Chi-Fru, C. Fontaine, A. Mazurier, A. Riboulleau, A.-C. Pierson-Wickmann, F. Albarède. A search for life in Palaeoproterozoic marine sediments using Zn isotopes and geochemistry, Earth and Planetary Science Letters, vol. 612, 15 juin 2023, 118169.
Publié le 4 mai 2023